Vénérables, Mesdames, Messieurs, chers amis du Dharma,
C'est toujours avec une grande joie que nous vous accueillons ici chaque année, vers le milieu du 4è mois lunaire, pour célébrer ensemble la Fête du Vesak, c'est-à-dire de l'anniversaire de la naissance du Bouddha Sākyamuni, le Sage de la lignée des Sākya.
A cette occasion, le Sangha de la Pagode, dirigé par le Vénérable Thich Tâm Huy, et le Conseil d'Administration de l'Institut Bouddhique Truc Lâm, vous présentent, ainsi qu'à votre famille, leurs voeux les plus chaleureux de Santé et de Bonheur, de Paix et de Sérénité, en ce début de la 2568è année du calendrier bouddhique.
D'après ce calendrier, qui débute à la date du parinirvāṇa du Bouddha, estimée à 544 avt JC, celui-ci serait né en 624 avt JC, mais des études plus récentes ont situé sa naissance à une date plus tardive, vers 480 avt JC. Le Bouddha Sākyamuni aurait donc vécu de 480 à 400 avant notre ère.
Quoiqu'il en soit, son lieu de naissance a été déterminé de façon plus précise, dans le parc de Lumbini, au Népal, près de la frontière avec l'Inde. A 7136 km à vol d'oiseau d'ici exactement, grâce aux mesures par satellite!
Rappelons rapidement la légende de la vie du Bouddha.
Siddhārtha Gautama était le prince d'un petit royaume, situé au pied de l'Himalaya, à la frontière entre l'Inde et le Népal, et passait d'abord une jeunesse dorée et insouciante dans son palais, auprès de sa famille, jusqu'au jour où il prit soudainement conscience des dramatiques réalités de la vie humaine, soumise à la maladie, la vieillesse et la mort.
A 28 ans, il décida de tout quitter, sa famille et ses amis, sa vie princière et tous ses biens, pour partir vivre seul dans la forêt comme un ascète errant, à la recherche de la vérité sur la vie.
Arrivé au royaume du Kosala, il gagna ensuite le Maghada, où il apprit la méditation auprès de deux maîtres spirituels, et parvint aux plus hauts degrés d'absorption mentale, sans trouver cependant de solution à son problème.
Reprenant son chemin avec cinq autres compagnons, il s'entraînait pendant 5 ans à des pratiques d'ascétisme de plus en plus sévères, jusqu'à devenir complètement épuisé et frôler la mort. Heureusement, il fut ranimé grâce à un bol de soupe de riz au lait que lui servit à boire une bergère. Ayant repris sa lucidité, il prit la ferme résolution de méditer sans discontinuer, assis sous un arbre, appelé "arbre de Bodhi",ou d'Eveil. Au 49è jour et pendant toute une nuit, il lutta imperturbablement contre toutes les tentations et les pièges tendus par Māra, le dieu de la Mort.
Au lever du soleil, victorieux contre Māra, c-à-d en fait contre ses propres démons, à l'âge de 35 ans, Siddhārtha Gautama attint l'Eveil Parfait et devint le Bouddha.
Pendant 45 ans, il parcourait sans relâche la basse-vallée du Gange et de ses affluents, allant de ville en village, pour enseigner le Dharma à toutes les personnes qui voulaient l'écouter, sans distinction d'âge, de sexe, de race, de conditions sociales, de niveau de compréhension.
A travers sa légende, et son enseignement rapporté dans les Sutras, il a laissé au monde un message essentiel, se démarquant des autres religions: les malheurs, les souffrances que les hommes éprouvent dans cette vie ne dépendent pas des dieux ou de puissances surnaturelles, ni ne sont le fruit du hasard ou de la destinée, mais proviennent d'eux-mêmes, de leurs propres pensées et actions. Ils doivent en prendre conscience, et entraîner leur mental de façon à se libérer des chaînes qu'ils se sont eux-mêmes fabriquées.
C'est l'enseignement des "4 Nobles Vérités", qui forme l'enseignement de base, et le premier sermon du Bouddha au Parc des Gazelles à Sarnath: 1°) la souffrance (dukkha), 2°) l'origine de la souffrance - qui n'est autre que les "3 poisons", le désir - l'attachement, la colère - la haine, et l'ignorance - l'illusion, 3°) la cessation de la souffrance et 4°) la voie qui y conduit, c-à-d "l'Octuple Sentier": l'action juste, la parole juste, le moyen d'existence juste, l'attention juste, la concentration juste, la persévérance juste, la vue juste, la réflexion juste.
Tout ne dépend que de soi-même, de son propre mental, comme le dit une stance du Dhammapada: "Soi-même commet le mal, Soi-même devient impur. Soi-même évite le mal, Soi-même se purifie. Pureté ou impureté ne dépend que de soi, Personne ne peut purifier personne."(Dh. 165)
C'est ainsi que le Bouddha exhortait ses disciples à "être leur lumière", à "être leur propre refuge", et à ne s'appuyer sur personne d'autre.
Il insiste aussi sur la compréhension des "3 Marques de l'existence", qui sont: l'impermanence (anicca), le non-soi (anattā) et la souffrance (dukkha).
C'est l'attachement à (ou l'illusion de) la permanence, et l'attachement à (ou l'illusion de) soi, qui sont à l'origine de cette souffrance.
"La loi du karma", c-à-d de la cause-à-effet, est utilisée pour expliquer qu'une action bonne (Pali: kusala) entraîne une conséquence bonne, et qu'une action mauvaise (akusala) entraîne une conséquence mauvaise. "Bonne" étant définie par "faisant cesser la souffrance", et "mauvaise" par "créant de la souffrance". La morale bouddhiste est donc claire et pragmatique, s'adaptant à chaque situation réelle, et non pas rigide et dogmatique.
Mais la particularité de la philosophie bouddhiste est le "principe de co-production conditionnée" (paṭicca-samuppāda) ou d'interdépendance des choses. Comme il est dit dans les Nikaya: "Quand ceci est, cela est. Ceci apparaissant, cela apparaît...". Tout est interdépendant, interconnecté. Nous sommes tous liés les uns aux autres, comme le bonheur des uns est lié au bonheur des autres, et la souffrance des uns à celle des autres...
En comprenant profondément le principe d'interdépendance, on réalise que l'on ne pourra jamais être heureux en haïssant et en faisant souffrir les autres, en leur faisant la guerre, en voulant les anéantir, comme cela se passe quotidiennement, dans ce monde pris dans des tourbillons de colère, de haine, et d'autres passions destructrices...
En ce jour d'anniversaire de la naissance du Grand Eveillé, rappelons sa parole de paix dans le Dhammapada, qui résonne au plus profond de la conscience humaine :
"Jamais la haine ne met fin
A la haine ici-bas.
Seul l’amour met fin à la haine,
Telle est la loi éternelle."(Dh. 5)
L'amour est aussi la première des 4 vertus à cultiver par le bouddhiste, qui sont:
mettā, l'amour-bienveillant,
karuṇā, la compassion,
muditā, la joie partagée, et
upekkhā, l'équanimité.
En célébrant aujourd'hui la venue au monde il y a plus de 25 siècles de celui qui, par la seule force de son esprit, a découvert et enseigné aux hommes la voie de la libération de la souffrance universelle,
rendons-lui hommage en Pali, proche de la langue qu'il parlait :
Namo Tassa Bhavagato Arahato Samma Sambuddhassa!
(Hommage au Bienheureux, au complètement Délivré, au pleinement et parfaitement Eveillé!)
Villebon s/Yvette, 26 Mai 2024
Nguyên Phuoc