Institut Bouddhique Truc Lâm - Trúc Lâm Thiền viện
Colloque sur "Bouddhisme et culture" & Hội thảo về "Đạo Phật và văn hóa" 05/06/2016
Le site de Lumbini, lieu sacré de la naissance du Bouddha, dans le patrimoine culturel mondial de l'UNESCO
Thái Quang Nam
I. Introduction
Le Prince Siddharta, Le Bouddha, est né en 623 avant J.-C. dans le jardin sacré de Lumbini. De nombreux vestiges, dans les jardins et les alentours de Lumbini, certains remontant à plus de 2500 ans, témoignent de la vie du Bouddha. Les monuments et les vestiges historiques directement liés à la vie du Bouddha constituent l'essentiel de Lumbini.
Lumbini est situé au Népal sur les contreforts himalayens, non loin du fleuve Gange, voie fluviale apportant irrigation et sédiments fertiles à l'immense plaine de l'Asie du sud. Lumbini est devenu, au fil des siècles, l'un des lieux sacrés de spiritualité les plus importants au monde, un site archéologique riche et un lieu de pèlerinage pour les bouddhistes du monde entier.
Ces lieux sont des sites emblématiques qui attestent d'une vie culturelle, spirituelle et socio-économique depuis des temps très anciens. La préservation et le développement de Lumbini et des autres sites sont importants non seulement pour le Népal, mais aussi pour les communautés bouddhiques du monde entier.
II. Authenticité du lieu de naissance de Bouddha
Pendant de longues années, une longue série de succession de fouilles, complétant les monuments et les vestiges historiques existant, a permis de confirmer l'authenticité de ces traces directement liées à la vie du Bouddha.
Avant que Lumbini ne soit devenu un site connu et visité, les vestiges suivants ont été découverts sur place :
- Plus particulièrement, Le Pilier d'Asoka, érigé sous le règne de l'Empereur Asoka ;
- Et les vestiges des " Viharas ", des " Stupas " ainsi que de nombreuses constructions en brique datant du 3eme siècle avant J.-C.
Ces vestiges confirment donc l'existence de Lumbini tant que centre religieux, spirituel et culturel et voire socio-économique depuis des temps très anciens.
Par ailleurs, deux autres sites majeurs existant dans le voisinage de Lumbini sont étroitement liés à la vie de Bouddha : a) Thilaurakot constitué de vestiges de la capitale du royaume du père du Bouddha ; et b) Ramagrama, l'unique stupa original, dont il est dit qu'il contient les reliques-même du Bouddha.
Dans certaines sources littéraires bouddhiques, il est fait mention du Jardin de Lumbini, célèbre pour sa grande beauté, la tranquillité et le réconfort qu'il procure. Le Jardin de Lumbini était nommé durant la vie de Bouddha " chittalavana " (Beauté subjuguante) ou " pradimokshavan " (Espace de salut). Le Bouddha a souligné déjà l'importance de Lumbini sur son lit de mort : " Oh, Ananda, c'est (Lumbini) le lieu de naissance du Tathagata. C'est un lieu que devra visiter et contempler une personne pieuse à qui il permettra la prise de conscience et la compréhension de l'impermanence de toute chose. En ce lieu, Ananda, si un être plein de dévotion se rend en pèlerinage sur ce site sacré et vient à mourir pendant le cours de ce pélerinage, il renaîtra dans une bonne réincarnation, dans un ciel favorable, après la mort et la dissolution du corps " (cité du " Mahaparinirvana Sutta ").
III. Inscription du site de Lumbini dans la Liste du Patrimoine Mondial de l'UNESCO et Plan de Rénovation et de Développement de Lumbini par Kenzo Tange
La préservation et le développement de Lumbini et des autres sites liés sont importants non seulement pour le Népal mais aussi pour les communautés bouddhiques du monde entier.
En 1997, l'UNESCO, à la suite d'etudes approfondies, a inscrit Lumbini, lieu de naissance du Bouddha, sur la liste du Patrimoine Mondial et parallèlement les vestiges de Tilaurakot et de Ramagrama sont inscrits aussi sur la liste indicative par le gouvernement du Népal. Cette étape importante constitue une base solide afin de protéger les vestiges archéologiques fragiles et relever le défi que constitue la protection et la gestion de ces sites sur le long terme.
Il convient de signaler le rôle déterminant des Nations-Unies tout au long du processus de reconnaissance de la valeur de Lumbini en tant que lieu de naissance du Bouddha. Pas moins de sept Secrétaires-généraux des Nations-Unies se sont impliqués dans la reconnaissance de Lumbini et parmi lesquels, le premier fut U Thant pour qui la visite en 1967 a été " l'un des moments le plus important de sa vie ". Par la suite, le tournant décisif a été la désignation par les Nations-Unis du célèbre architecte japonais Kenzo Tange comme le maître-d'oeuvre de la préservation et la rénovation du site, à travers son Plan de Rénovation de Lumbini, approuvé par les Nations-Unies et le gouvernement du Népal en 1978.
Imaginez une très grande superficie au sein de laquelle se trouve une zone centrale avec un lac circulaire et des zones monastiques. La plus grande partie des zones non archéologiques comprises dans le schéma directeur de Kenzo Tange ont été replantée d'arbres afin de recréer la sensation d'un paysage d'anciennes forêts entourant les sites, tel que devait être Lumbini dans le passé.
Concrètement, le schéma directeur de Plan de rénovation et de développement de Kenzo Tange comprenait les éléments suivants :
. Il couvre une superficie de 5 x 5 miles
. La partie centrale de forme carrée ou se trouvent les éléments faisant partie de la propriété du Patrimoine mondial de l'UNESCO
. Trois zones d'une superficie de 1x3 miles englobant : a) Le Nouveau Village de Lumbini ; b) la Zone culturelle et monastique ; et c) Le Jardin Sacré. Par la suite, la gestion de cette partie-ci a été confiée au gouvernement du Népal.
Kenzo Tange a conçu son Schéma directeur en fonction du symbolisme bouddhiste, que ce soit pour les formes géométriques et architecturales ou pour l'accompagnement des visiteurs sur le chemin de l'illumination. En effet, on commence la visite par le Nouveau Village de Lumbini avant d'arriver à la Zone dite culturelle et monastique symbolisant le chemin de la connaissance et de la purification spirituelle pour, enfin arriver au Village Sacré, phase de l'illumination. Ajoutons, en dernier lieu, que ces trois parties sont reliées par un canal d'eau qui reflète le lien central de l'ensemble du site.
La mise en œuvre de ce schéma directeur avait commencé en 1978 et prévu pour être terminé en 1985. À cause des lenteurs prévisibles, un organisme a été créé, à savoir le Fonds de Développement de Lumbini (Lumbini Development Trust) pour accélérer le projet initial. Le Programme de Développement des Nations-Unies (UNDP) a , quant à lui, assuré pour la plus grande partie du financement de ce projet, pour un montant total de 1,8 million de dollars.
IV. Développement ultérieur de Lumbini
Dû au caractère sacré et universel de Lumbini notamment à la suite de son inscription dans le Patrimoine Mondial, le site a été ouvert à d'autres apports tels que les monastères népalais et internationaux. Ces derniers nouveaux édifices sont représentatifs d'une architecture vernaculaire et de la culture des différents pays ainsi que des différentes traditions bouddhiques et ne cessent de fasciner les visiteurs de Lumbini.
La zone des monastères est divisée en deux parties, à l'est et à l'ouest :
1. Les monastères dans la partie est sont le monastère Royal Thai (Thaïlande), le monastère de la Mahabodhi Society de Kolkata, celui du Myanmar, l'International Nuns' Temple (Népal), le Dhamma Janani Méditation Center (Népal) et les monastères Sri Lankais et cambodgien.
2. Pour la partie ouest, il y a le Stupa du Grand Lotus (Allemagne), le Kagyud Méditation Center (Inde), le Sokyo Temple (Japon), le monastère Linh Son (France), le monastère chinois, le monastère Korean Mahabodhi Society (Corée du sud), le monastère Phat Quoc Tu (Vietnam), le Geden International (Autriche), les monastères Manang et Dharmodaya Sabha (Népal) et le centre de méditation Panditarama (Myanmar).
Ajoutons enfin l'architecture majestueuse du Musée de Lumbini, l'Institut international de la Recherche de Lumbini et la Pagode de la Paix dans le Monde, se trouvant dans la partie nord du Schéma directeur de Lumbini. L'édifice dit de la Flamme de la Paix Eternelle et le canal central sont des éléments essentiels du schéma directeur du Plan de Kenzo Tange et ajoutent à ainsi la beauté et à la sérénite du site.
V. Habitat, nature et risques
De nos jours, loin d'être une zone perdue au milieu d'un environnement méconnu et sauvage, Lumbini et ses alentours sont habités par des populations bien diverses. Des musulmans, hindous, bouddhistes et chrétiens coexistent en harmonie à Lumbini. La plupart d'entre eux vivent de l'agriculture, mais de plus en plus des opportunités de travail s'ouvrent a ces populations avec le tourisme et le nombre toujours croissant de pèlerins et de touristes du monde entier. Diverses catégories sociales résident ainsi dans les alentours du complexe sacré de Lumbini. Certains viennent de différentes régions de l'Inde, d'autres des collines du Népal. Il se trouve aussi que les Tharus, la population d'origine de l'endroit, et leurs descendants sont amenés à émigrer vers d'autres endroits.
Lumbini offre un mélange unique d'harmonie culturelle et naturelle. Dans les années 79, le gouvernement du Népal, suite à l'adoption du Schéma directeur de Lumbini, a fait l'acquisition de plus de 770 hectares de terre cultivable afin de l'aménager et la végétation s'est développée très rapidement. De nouveaux animaux ont trouvé refuge sur cette terre qui peut être considérée comme sacrée, faisant ainsi à présent de Lumbini un véritable havre de biodiversité. Cette zone abrite ainsi plus de 200 espèces d'oiseaux, y compris la grue Sarus, espèce en voie de disparition et qui est très riche de sens dans la vie de Bouddha. Il est à rappeler que Bouddha lui-même avait passé une grande partie de sa vie au milieu d'une nature sauvage : il naquit sous l'arbre " Sal ", médita et fut illuminé sous l'arbre " Bodhi ", donnant presque l'exemple aux nombreux pèlerins et touristes à faire aussi l'expérience de ces liens très forts avec la nature.
En dernier lieu, s'agissant des risques qui pèsent sur Lumbini, rappelons que depuis la naissance du Bouddha, Lumbini a connu de nombreuses catastrophes naturelles (tremblements de terre, inondations, sécheresses) ou bien causées par l'homme. En effet, de nos jours, un nouveau danger, l'industrialisation, met en péril sa sérénité. De 1997, date de son inscription sur la liste du Patrimoine Mondial, rien qu'à 2012, un total de onze usines de ciment, deux usines d'acier et une douzaine d'autres industries produisant des émissions de carbone ont été implantées au sein de la zone protégée de Lumbini. Un certain nombre de ces industries ont accru leur capacité de production, avec, par exemple, l'installation d'au moins trente centres de production de briques, aggravant la pollution atmosphérique. Cette pollution est la cause principale de la dégradation du pilier d'Asoka de Lumbini. De plus, comme pour la plupart des sites célèbres dans le monde, le nombre croissant de touristes a contribué peu à peu à la détérioration de cet ancien site.
En bref, le passage rapide d'un monde agricole à un monde industriel et a des activités urbaines dans le voisinage de Lumbini, a contribué à la dégradation de la faune et de la flore ainsi que la perte d'habitats pour les espèces en voie de disparition, telle la grue Sarus. La poussière de ciment qui s'accumule sur les plantes et sur le sol a aussi affecté la croissance des plantes et la production des récoltes.
L'existence même de Lumbini, malgré tous les efforts de la communauté internationale, est véritablement posée. En dépit du fait même que Lumbini soit un site sacré, le développement urbain intensif, rapide et incontrôlé arrive à menacer son existence propre. Les lieux saints encore existants ont donc grandement besoin d'être protégés parce qu'à travers l'histoire, nombre d'entre eux ont été perdus définitivement faute de protection adéquate.Tout doit être fait afin que ce site précieux du Patrimoine Mondial puisse être préservé et transmis aux générations futures.
Thái Quang NamDocteur en Économie du Développement,
Diplômé de l’Institut d’Etudes du Développement Économique et Social et de l’Institut International de Planification de l'Education/UNESCO,
Ancien fonctionnaire de l'Organisation Internationale de la Francophonie et de l'UNESCO,
Conseiller culturel auprès de l’UNESCO