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 Présentation générale du bouddhisme

Vie du Bouddha Gotama

 

https://youtu.be/0Hw3Rh4UvIY

 

            Le bouddhisme est l'une des principales religions du monde, à côté de quatre autres qui sont, par ordre d'ancienneté: l'hindouisme, le judaïsme, le christianisme et l'islam. L'hindouisme est polythéiste, alors que les trois autres sont monothéistes.

            Du point de vue géographique, le bouddhisme a été longtemps limité à l'Asie de l'est et du sud-est, mais commence à avoir de plus en plus d'adeptes dans les autres continents, alors que le christianisme reste encore le plus répandu dans le monde, avec ses trois principales Eglises catholique, protestante, et orthodoxe. L'islam, parti plus tard du Moyen-Orient, s'est étendu rapidement en Asie, en Afrique puis en occident.

            Du point de vue démographique, les bouddhistes restent relativement peu nombreux, environ 7% de la population mondiale, par rapport aux chrétiens 31%, aux musulmans 24%, et aux hindouistes 15%.

            Néanmoins, il est incontestable que le bouddhisme a exercé une influence profonde sur la culture, les traditions, la vie sociale, dans chaque pays qu'il a traversé, pendant son histoire longue de plus de 2500 ans.

            C'est surtout cet aspect culturel du bouddhisme que nous voudrions vous présenter, dans cet enseignement, composé de 3 parties:

            - La première concerne les principes fondamentaux du bouddhisme, tels qu'ils ont été établis vers le 5è siècle avant JC, par son fondateur, le Bouddha Gotama.

            - La deuxième traitera des développements du bouddhisme après le Bouddha, avec l'apparition de diverses écoles, notamment du Grand Véhicule (ou Mahāyāna).

            - La troisième partie sera consacrée à son application dans la société et la vie quotidienne, en complément d'autres philosophies antiques, avec la méditation en tant qu'entraînement mental.

            Dans ces exposés, nous tâcherons de nous laisser guider par deux critères, la réalité historique et la rigueur scientifique.

            En effet, le bouddhisme, comme entité philosophique ou religieuse, n'est pas tombé un jour du ciel, mais s'est construit pendant des siècles une histoire, qu'il faut reconstituer pour remettre chaque partie dans son contexte historique et culturel.

            Dans cette longue et difficile tâche, nous nous efforcerons d'utiliser toutes les ressources scientifiques possibles, comme l'archéologie, l'épigraphie, l'iconographie, la philologie, la linguistique, la psychologie, et même les neurosciences modernes...

Bouddhisme: philosophie ou religion?

            L’une des questions que l'on se pose souvent sur le bouddhisme est s’il s’agit d’une philosophie ou d’une religion. Cette question apparaît volontiers chez le public occidental, alors qu'elle ne se pose guère pour les orientaux.

            Je me rappelle qu'un jour, alors que j'étais en classe de 1ère au lycée, mon professeur de français se tourna soudainement vers moi et me posa une question:

            " En fait, le bouddhisme est une philosophie et non pas une religion, n'est-ce pas, Trinh?".

            Surpris et embarrassé, je bafouillais un petit "Oui, oui Monsieur...", poli mais incrédule.

            Pour moi, le bouddhisme a toujours été une religion, puisque quand j'étais petit au Viêt Nam, on allait parfois à la pagode avec ma famille pour célébrer des fêtes bouddhiques comme le Vesak, ou des rites funéraires. On allumait des bâtonnets d'encens eton se prosternait devant les statues des Bouddhas et Bodhisattvas, au milieu de prières rythmées par le son de petits tambours de bois et des cloches.

            Les bouddhistes vont à la pagode comme les chrétiens vont à l'église, et les musulmans à la mosquée, qu'y a t-il de bien différent? On dit parfois que le bouddhisme est une religion athée, une religion sans Dieu. Faut-il qu'il y ait un dieu à vénérer, pour que ce soit une religion?

            Mais plus tard, je compris que mon professeur avait raison.

            Dans les années 1960, j'ai eu la chance de découvrir le bouddhisme grâce à mes maîtres, les Vénérables Thich Minh Châu, Thich Thiên Châu et Thich Nhât Hanh, tous les trois originaires de Huê, et ayant étudié ou enseigné dans les Universités de Nalanda, Colombo, Londres, Paris, Princeton, Columbia.         

            Ils m'ont guidé dans l'étude du bouddhisme à travers les travaux de grands chercheurs occidentaux, comme l'érudit anglais Edward Conze, le prêtre belge Etienne Lamotte, le professeur au Collège de France André Bareau et le moine Sri-Lankais Rahula Walpola.

            Ils sont les auteurs de deux livres essentiels sur le bouddhisme que je vous conseille particulièrement: "Le bouddhisme, dans son essence et son développement" et "L'enseignement du Bouddha, d'après les textes les plus anciens".

            J'ai donc compris que le bouddhisme était dans son essence une philosophie.            

            D'ailleurs, le Bouddha a été classé parmi les "grands philosophes" par Karl Jaspers, à côté de Socrate, Platon, Lao-tseu, Confucius et Jésus.

            L'étude de sa pensée a révélé un système philosophique structuré, doté d'une architecture simple, solide et belle à la fois.

            On peut alors se demander comment a t-il pu revêtir également un aspect religieux, avec des moines et moniales pratiquant des offices dans des pagodes, vénérant des Ecritures sacrées, et s'organisant en Eglises ou en Ecoles?

            Certains répondraient que dans l’antiquité, particulièrement en Asie, on ne différenciait pas la philosophie et la religion, si tant est que la notion de philosophie existât à l'époque.

            En effet, au 5è siècle avant notre ère en Inde, les diverses spiritualités comme le brahmanisme, le Sāṃkhya, le jaïnisme et le bouddhisme, étaient considérées de la même manière, sans distinction en philosophie ou en religion.

Les trois voies de délivrance

            D'après les indianistes, il existait dans la tradition indienne ancienne, 3 voies de délivrance: la voie de l'action rituelle, ou kamma-magga; la voie de la foi-dévotionou bhakti-magga; et la voie de la connaissance ou ñāṇa-magga.

            Le brahmanisme illustrait les deux premières voies, alors que le bouddhisme représentait la troisième.

            D'ailleurs le nom de Bouddha, vient de la racine √ bud en sanskrit, qui signifie "savoir". Le Bouddha est celui qui sait.

           Ainsi une voie spirituelle peut être plus religieuse, basée sur la foi-dévotion, comme le brahmanisme, ou bien plus philosophique, basée sur la connaissance, la raison, comme le bouddhisme.

            Comme en occident, fides et ratio, la foi et la raison, se sont toujours opposées.

            En réalité, la réponse à la question ne peut être univoque, si l'on tient compte du bouddhisme dans son évolution dans l'espace et le temps.

            Car le bouddhisme est à la fois une philosophie et une religion.

            On pourrait dire aussi: pour certains c'est une philosophie, et pour d'autres une religion.

            Cette question, "philosophie ou religion", est en fait  intimement liée à une autre question: "Y a t-il un ou plusieurs bouddhismes"?

Y a t-il un ou plusieurs bouddhismes ?

            On peut y répondre en reprenant l'histoire du bouddhisme, depuis ses débuts jusqu'aux siècles derniers.

            A l’origine, on peut affirmer sans trop de risque, qu'il s’agissait d’une philosophie, d’une doctrine de vie, enseignée par un homme, Siddhatta Gotama (p) Siddhārtha Gautama (s), qui a vécu au 5è siècle avant notre ère, en Inde du nord-est, dans la basse vallée du Gange.

            Pendant 45 ans, cet enseignant infatigable a parcouru un vaste territoire pour diffuser sa doctrine, entouré de ses disciples religieux et laïcs formant la saṃgha. Les moines bhikkhus,et moniales bhikkhunis, observent le célibat, vivent d'aumône, et sont logés dans des monastères (ou vihara).

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            Je fais une petite parenthèse ici pour les termes bouddhiques en pali et en sanskrit. Vous avez remarqué qu'ils sont écrits en alphabet latin, avec des signes appelés diacritiques pour différencier la prononciation, et qu'ils sont légèrement différents en pali et en sanskrit, mais aussi parfois identiques.

            Ce qu'il faut retenir c'est que le pali est la langue du bouddhisme ancien, du Theravāda, alors que le sanskrit la langue du Grand Véhicule (ou Mahāyāna). Nous utiliserons ici essentiellement le pali.

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            La pratique des moines et monialesconsistait à respecter les préceptes moraux (sīla), à méditer (samādhi) et à rechercher la compréhension profonde ou sagesse (paññā).

            La philosophie bouddhique peut se résumer à l’identification des causes de la souffrance humaine, situées en chacun de nous, et à l’extirpation de ces causes, afin d’aboutir à la cessation de la souffrance.

            Ce travail sur soi est donc très proche de la psychologie et de la psychothérapie modernes.

            Mais dans les siècles qui ont suivi la disparition du Bouddha vers 400 avant JC, les communautés de moines se sont divisées en de multiples écoles, interprétant chacune à sa façon l’enseignement du Maître, d'abord transmis oralement puis consigné par écrit en pali, puis en sanskrit, dans les suttas, complétés par des commentaires (ou abhidhamma).

            Vers le 3è siècle avant JC, sous la protection de l’empereur Asoka, l’enseignement du Bouddha (le Dhamma) s’est propagé dans toute l’Inde et dans diverses directions, vers le sud au Sri Lanka et dans les pays du sud-est asiatique, et surtout vers le nord-ouest, la région du Gandhāra (au nord du Pakistan et nord-est de l'Afghanistan), qui est devenue pendant de nombreux siècles le nouveau foyer de développement du bouddhisme, ainsi que l’Asie Centrale, à travers laquelle le bouddhisme se propagea en Chine à partir du 2è siècle de notre ère, puis plus tard au Tibet.

            Dans les pays situés au sud et au sud-est asiatique, va s’ancrer solidement la branche du Theravāda (ou Ecole des Anciens), fidèle à l’enseignement originel du Bouddha, alors qu’au nord-ouest de l’Inde essentiellement va se développer l’autre grande branche, le Grand Véhicule(ou Mahāyāna).

            Celle-ci, plus disparate, était composée de plusieurs écoles apparues dans les premiers siècles de notre ère, chacune s’appuyant sur un ou plusieurs sūtras et traités (śāstras). Les sūtras, prétendus enseignés par le Bouddha lui-même, étaient en fait rédigés par des auteurs anonymes, parfois de façon collective, comme le Sūtra de la Perfection de Sagesse (ou Prajñāpāramitā sūtra). Quant aux  śāstras, ils sont l'oeuvre de moines-philosophes, comme Nāgārjuna, Asaṅga et Vasubandhu.

            La plupart des sūtras du Mahāyāna ont été traduits du sanskrit en chinois ou bien en tibétain, du 2è au 7è siècles, par des moines-pèlerins traducteurs, mais beaucoup d'originaux en sanskrit ont été perdus.

            Les plus importantes Ecoles du Mahāyāna créées en Chine sont: l’Ecole de la Terre Pure (Jìngtǔ); l’Ecole de la Méditation (Chán, Zen, Sǒn ou Thiền); l'Ecole de la Plate-forme Céleste (Tiāntái); l'Ecole de la Guirlande des Fleurs (Huáyán); et l'Ecole Esotérique ou Tantrique (Mìzōng). Elles vénèrent divers Bouddha et Bodhisattvas et s'appuient sur certains Sūtras,et pour l'Ecole Esotérique des formules magiques ou mantra.

            Le Vajrayāna (ou Véhicule du Diamant), qui se considère comme faisant partie du Mahāyāna, est pratiqué essentiellement au Tibet et dans les pays voisins, et en Mongolie, se distingue par des apports particuliers du tantrisme.

            On peut donc dire que quelques centaines d’années après l'apparition du bouddhisme, d'importantes modifications théoriques et pratiques sont survenues, en raison de plusieurs facteurs: l'expansion géographique, la multiplication et la dispersion des communautés de moines, ainsi que l'interaction avec d'autres traditions culturelles locales.

 

            Au temps du Bouddha, la société était dominée par le brahmanisme, qui s'appuyait sur la caste des brahmanes, seule détentrice des formules rituelles sacrées lui permettant de se délivrer du saṃsāra par la fusion de l'ātman- Brahman (moi individuel-moi universel). Le bouddhisme apparut alors comme un mouvement doublement contestataire. Il contestait d'une part la réalité du moi individuel et universel, et d'autre part le pouvoir exclusif de délivrance de la caste des brahmanes. A la croyance, il opposa la connaissance, celle des causes de la souffrance pour la faire cesser.

            Quelques centaines d'années après, le contexte socio-culturel ayant changé, c'est l'inverse qui se produisit au sein du bouddhisme: le besoin de croire revient de nouveau dans la population, ainsi que le besoin de changement. Ce qui a conduit à l'apparition progressive, subreptice de diverses branches du Grand Véhicule.

            Dans celles-ci, le Bouddha est devenu le principe de Bouddhéité, dont le Bouddha historique n’est qu’une des manifestations, parmi un grand nombre de Bouddhas apparus depuis la nuit des temps.

            Le modèle pour le mahayaniste n'est plus l'Arahant, le parfait délivré, mais le Bodhisattva, l'être éveillé qui a fait voeu de délivrer tous les êtres avant sa libération finale.

            Le fidèle mahayaniste est celui qui aspire à la bouddhéité par la reconnaissance de sa nature propre, qui est aussi la nature-de-Bouddha, l’Absolu, l’Ainsité, ou bien celui qui se dévoue entièrement aux Bouddhas, particulièrement au Bouddha Amitābha, qui pourrait l’accueillir après sa mort au Paradis de l’Ouest (ou Sukhāvatī). Les Bouddhas sont devenus des êtres surnaturels, infinis et éternels, et la foi devient plus importante que la connaissance.

            A partir d’une phénoménologie, c-à-d d'une étude des phénomènes psychologiques, le bouddhisme est devenu, avec le Grand Véhicule, un essentialisme, c-à-d une interprétation de l’essence du monde, ce qui l'éloigne de la philosophie initiale et le rapproche des autres religions théistes.

           Ainsi on peut dire qu'à la double question posée "philosophie ou religion?", "un ou plusieurs bouddhismes?", on aboutit à une double réponse: c'est à la fois une philosophie et une religion, car la longue histoire du bouddhisme a créé plusieurs formes de bouddhisme et non pas un seul.

            Pour le bouddhisme Theravāda, le plus proche du bouddhisme originel, c'est une philosophie plus qu'une religion.

            Pour le Mahāyāna, cela dépend de quelle Ecole il s'agit: plutôt religion pour la Terre Pure, plutôt philosophie pour les Ecoles de méditation. Parfois aussi on retrouve un mélange des deux, ce qui témoigne de la coexistence, ou de la cohabitation, des deux aspects rationnel et affectif de l'esprit humain.

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La vie du Bouddha Gotama

            Comme le disait André Bareau, "La personne et la vie du Bouddha ne nous apparaissent qu'au travers d'un épais brouillard de légendes".

            Il est difficile en effet de reconstituer l'histoire de sa vie par des recherches archéologiques et épigraphiques, car de cette époque lointaine il ne reste que quelques traces de constructions anciennes dans les régions où il aurait vécu.

            Notamment quelques ruines de monastères, les mieux conservés datant du 3è siècle avant JC, situés dans le jardin de Lumbini, son lieu de naissance, ainsi qu'un pilier en grès portant des inscriptions commémorant la visite de l’empereur Aśoka. Lumbini est devenu un lieu de pèlerinage, inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO.

            C'est finalement l'étude des textes canoniques en pali, les Nikāya, ainsi que des chroniques du Sri Lanka rédigées au 4è-5è siècle, qui ont permis de retracer à peu près les différentes étapes de sa vie.

            La date de naissance même du Bouddha demeure incertaine. Fixée traditionnellement à 560 avant JC, d'après les anciennes chroniques Sri Lankaises, cette date a été remise en cause par plusieurs chercheurs, sur la base d'autres données textuelles, et remplacée par une date plus tardive, à 480 avant JC. Le Bouddha aurait donc vécu de 480 à 400 avant JC.

            Son lieu de naissance étaitla région du Teraï du Népal, située au pied de l'Himalaya, près de la frontière avec l'Inde. La légende le fit naître comme le prince d'un royaume ayant pour capitale Kapilavatthu (p), Kapilavastu (s).

            En fait, les études historiques ont montré que Kapilavatthu n'était qu'une bourgade, dans une petite république dirigée par le clan des Śakya (d'où l'appellation du Bouddha: Śakyamuni, le sage silencieux des Śakya), dont le chef était son père Śuddhodana.

            A l'époque, l'Inde du nord était composée de quelques républiques oligarchiques basées sur des clans, résistant contre l'expansion de grands royaumes monarchiques appelés les 16 Mahājanapada.

            Les deux plus puissants parmi eux étaient le Kosala (correspondant aujourd'hui à l'état d'Uttar-Pradesh) et le Maghada (correspondant à l'état de Bihar), où le Bouddha passait la plus grande partie de sa vie.

            Des guerres les opposaient sans cesse, et le pays des Śakya fut finalement envahi et annexé par le Kosala, malgré l'interposition pacifique du Bouddha, et Kapilavatthu fut détruite. Son emplacement est aujourd'hui encore discuté par les archéologues, entre les villages Tilaurakot en territoire népalais, et Piprahwa en territoire indien, où se trouvaient de très anciens vestiges.

            D'après la légende, le futur Bouddha,  dont le prénom Siddhattha signifiait "celui qui a atteint son but", est né dans un parc à Lumbini, alors que sa mère Māyādevī se rendait chez ses parents dans un pays voisin. Peu après la naissance de Siddhattha, sa mère mourut et il fut élevé par sa tante Mahapajapati Gotami.

            Il passait une jeunesse dorée, dans le luxe et l'opulence, à l'abri de tout souci et à 16 ans, fut marié à sa belle cousine Yaśodharā(dont le nom signifie "glorieuse") et préparé à succéder un jour à son père.

            Mais les choses ne se passaient pas comme prévu, et d'après la légende, Siddhattha découvrit un jour lors de sa promenade hors de la ville, 4 spectacles qui allaient fortement l'ébranler: un vieillard, un malade, un mort et un ascète errant.

            Comment sortir de ce drame qu'est la vie, avec son lot de déclin, de souffrance et de désolation? Pendant des mois, il fut tourmenté par ces pensées, mais un jour, peu après la naissance de son fils Rāhula, il prit une décision radicale : partir en quête de la vérité et de la libération.

            Sans en informer personne, une nuit il s'en alla sur son cheval, accompagné de son écuyer Chana, abandonnant derrière lui sa famille, son clan et tous ses biens. A l’âge de 29 ans, il se rasa les cheveux et la barbe, revêtit des haillons de samaṇa, c-à-d d'ascète errant, puis s'enfonça seul dans la forêt vers le sud, en direction du Kosala, et gagna le Maghada.

            Arrivé à Rājagaha, capitale du Maghada, il apprit avec les maîtres Ārāḷa Kālāma et Udraka Rāmaputra successivement, des méthodes de méditation lui permettant d'atteindre les plus hauts niveaux d'absorption mentale (jhāna). Mais, il ne fut guère satisfait de ces performances, qui ne lui apportaient toujours pas de réponse à ses problèmes. Et il se remettait à reprendre sa quête, à trouver sa propre voie.

            Pendant 5 ans, dans une forêt près du village d'Uruvelā, au bord de la rivière Nairañjanā, il s'entraînait avec ses 5 autres compagnons, à infliger à son corps un ascétisme de plus en plus sévère, en retenant le souffle, et en jeûnant de façon prolongée.

            Un jour, décharné et complètement épuisé, il perdit connaissance et frôla la mort. Heureusement, une bergère passa par là et lui fit boire un bol de lait, ce qui lui permettait de reprendre ses forces. Il comprit alors qu'il ne servait à rien de se torturer ainsi, et prit la ferme décision de méditer jusqu'à ce qu'il découvrît enfin la vérité. Il s'assit sous un arbre appelé l'arbre de Bodhi (ou ficus religiosa), et médita pendant 49 jours d'affilée, selon la légende. Le dernier jour, pendant toute une nuit, il lutta imperturbable contre toutes les attaques de Māra, le dieu de la Mort, qui voulait l'empêcher à tout prix de réussir.

  

            Au lever du soleil, victorieux contre Māra, c-à-d en fait contre ses propres démons, à l'âge de 35 ans, Siddhattha Gotama attint l'Eveil Parfait (sammā-sambodhi) et devint le Bouddha.

            Le lieu où il s'était éveillé, Bodhgayā est aussi devenu l'un des 4 lieux de pèlerinage du  bouddhisme, avec Lumbini, Sarnath et Kusinara(ouKushinagar).

            Après son Eveil, il lui fallait aussi traduire en pensée, en paroles, cette vérité qu'il a réalisée, qu'il a perçue directement, cette vérité trop subtile, trop difficile à comprendre, aux humains souvent empêtrés dans les passions et l'ignorance.

            Il lui vint alors à l'espritl'image d'une multitude de fleurs de lotus dans un étang, certaines encore immergées dans l'eau, d'autres affleurant la surface, d'autres encore s'épanouissant au soleil: ainsi sont les humains, divers et inégaux, certains vont comprendre rapidement son message, d'autres lui plus lentement, d'autres encore resteront insensibles...

            Sa décision fut prise, et il reprit le chemin, se dirigeant vers le Parc des Gazelles à Isipatana, aujourd'hui Sarnath, près de Varanasi (ou Bénarès), dans l'état d'Uttar Pradesh, afin d'y retrouver ses 5 anciens compagnons, qui s'étaient détournés de lui à cause de son renoncementà la vie ascétique. Là il prononça son premier sermon, exposant son refus des extrêmes, l'abandon aux plaisirs et l'ascétisme, et sa vision du monde en 4 vérités, dont la voie conduisant à l'extinction de la souffrance. Sceptiques au départ, ses compagnons sont aussi parvenus à l'Eveil et sont devenus ses premiers disciples, bientôt suivis de dizaines, puis de centaines, de milliers d'autres.      

            Le Bouddha continuait ainsi à enseigner pendant 45 ans, parcourant les villes, les villages, tout le long du Gange et de ses affluents, s'adressant à tous ceux qui voulaient l'écouter, à toutes les classes sociales, toutes les castes, sans distinction. Il était suivi dans ses déplacements par ses disciples, et faisait avec eux des pauses durant les saisons de pluie dans des parcs mis à leur disposition par des laïcs, comme le riche marchand Anāthapiṇḍika à Sāvatthī.

            Lescités qu'il a le plus fréquentées étaient Rājagaha, capitale dupuissant royaume de Maghada, dont il a reçu le patronnage du roi Bimbisara converti âgé au bouddhisme, Vesāli, capitale de la confédération des Vajji, dirigée par le clan Licchavi, et surtout Sāvatthī,capitale du Kosala.  

            La fin de sa vie a été racontée en détail dans le Mahāparinibbāna Sūtta (Sutra de la Grande Extinction) du canon pali, et traduit en français et annoté par Môhan Wijayaratna dans un livre intitulé "Le dernier voyage du Bouddha".


On y apprend que 6 mois avant son parinibbāna, c'est-à-dire son extinction complète, le Bouddha a fait un long voyage de 450 km, en direction du nord puis du nord-ouest, allant de Rājagaha jusqu'à Kusinara, en passant par Nālandā, Pātaliputtā et Vesāli. Au cours de ce voyage, le Bouddha, qui avait 80 ans, souffrait de troubles digestifs sévères, mais continuait courageusement à enseigner jusqu'à s'éteindre à Kusinara, en position couchée sur le côté comme le figurent les statues de Bouddha couché.

            Les funérailles furent organisées par la population du pays des Malla, et dès que la nouvelle de son parinibbāna fut parvenue aux oreilles des rois et princes des pays voisins, tous accoururent avec leurs troupes, se disputant ses restes du Bouddha après l'incinération. Finalement la paix fut obtenue grâce au partage de ses reliques (ossements, dents, cendre) réparties en 8 parties égales, et ramenées par chaque souverain dans son pays.

            Ce qu'il faut retenir de la vie du Bouddha Gotama, telle que nous pouvons la percevoir à travers d'abondants textes canoniques et de minces chroniques historiques, c'est que cette vie reflète parfaitement la philosophie bouddhique: une vie vouée à la recherche d'une solution aux problèmes de la condition humaine, et à la propagation du Dhamma conduisant à la libération de la souffrance.

            Rappelons ses dernières paroles: "Soyez votre propre lampe, soyez votre propre refuge. Ne vous appuyez sur rien d'autre", et "Tous les phénomènes conditionnés sont impermanents. Efforcez-vous sans cesse."

 

                                                                                                                      TRINH Dinh Hy

                                                                                                                      17 Janvier 2021

 

Bibliographie

1) Walpola Rahula

L'Enseignement du Bouddha, d'après les textes les plus anciens

Editions Points - Sagesse, 1974

(en anglais : What The Buddha Taught, Grove Press, New York, NY 1959)

2) Edward Conze

Le bouddhisme, dans son essence et son développement

Editions Payot & Rivages, 1952, 1970, 1978, 1995

(en anglais : Buddhism – Oxford, Bruno Cassirer Ltd, 1951)

3) Môhan Wijayaratna

Le dernier voyage du Bouddha, avec la traduction intégrale du Maha-Parinibbāna-sutta

Editions Lis, 1998