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L’ENSEIGNEMENT DE BASE DU BOUDDHISME :

LES 4 NOBLES VERITES, L’OCTUPLE NOBLE CHEMIN,

LES 3 MARQUES DE L’EXISTENCE

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         L’enseignement de base du bouddhisme repose sur les « 4 Nobles Vérités » (viêt: Tứ Diệu Đế) (dont la dernière est l’« Octuple Noble Chemin »; viêt: Bát Chánh Đạo) et sur les « 3 Marques de l’Existence » (viêt: Tam Pháp Ấn).

         C’est à la fois le fondement du bouddhisme et la base du tronc commun de cette doctrine philosophique, qui peut être comparée, comme nous l’avons vu, à un grand arbre, avec ses racines, son tronc et ses multiples branches. Toutes les écoles bouddhiques, d’où qu’elles viennent, du Theravada (Véhicule des Anciens; viêt: Nguyên thủy) ou de multiples branches du Mahayana (Grand Véhicule; viêt: Đại thừa), toutes sans exception, se réclament de cette base, de ce socle commun du bouddhisme.

         Il s’agit aussi du premier enseignement en date, puisque, d’après la tradition, ce fut le contenu du premier discours tenu par le Bouddha Gautama après son illumination, à Isipatana (actuellement Sarnath), près de Bénarès, dans le Parc des Gazelles (viêt: vườn Lộc Uyển). Ce discours, appelé Dhamma-cakka-ppavattana-sutta (Sutra de la mise en mouvement la Roue de la Loi; viêt: Kinh Chuyển Pháp Luân),s’adressa aux 5 samana (viêt: sa môn) anciens compagnons du Bouddha, qui deviendront aussi ses premiers disciples:

         « Voici, ô bhikkhus (viêt: tỳ kheo), la Noble Vérité sur dukkha (viêt: Khổ). La naissance est dukkha, la vieillesse est dukkha, la maladie est dukkha, la mort est dukkha. Etre séparé de ce que l’on aime est dukkha, être uni à ce qu’on n’aime pas est dukkha, ne pas avoir ce qu’on désire est dukkha. En résumé, les 5 agrégats d’attachement (khandha; viêt: ngũ uẩn) sont dukkha.  

Voici, ô bhikkhus, la Noble Vérité sur la cause de dukkha  (samudaya;viêt: Tập). C’est cette soif, ce désir ardent (tanha;viêt: ái dục) qui produit la ré-existence et le re-devenir, qui est liée à une avidité passionnée et qui trouve une nouvelle jouissance tantôt ici, tantôt là, c-à-d la soif des plaisirs des sens, la soif de l’existence et du devenir, et la soif de la non-existence.  

Voici, ô bhikkhus, la Noble Vérité sur la cessation de dukkha  (nirodha;viêt: Diệt). C’est faire cesser complètement cette soif, y renoncer, s’en détacher, s’en libérer.

Voici, ô bhikkhus, la Noble Vérité sur la voie qui conduit à la cessation de dukkha (magga; viêt: Đạo). C’est l’Octuple Noble Sentier (viêt. Bát Chánh Đạo), à savoir : la vue juste, la pensée juste, la parole juste, l’action juste, les moyens d’existence justes, l’effort juste, l’attention juste, la concentration juste. »

Nous allons développer chacune de ces 4 Nobles Vérités, (pali : cattari-ariya-saccani; viêt: Tứ Diệu Đế): 1) dukkha (viêt: Khổ), 2) samudaya (viêt: Tập), 3) nirodha (viêt: Diệt), 4) magga (viêt: Đạo).

1) Dukkha

Le terme pali dukkha (sanskr. dhukha) est souvent traduit en français par « souffrance » ou « douleur », en viêtnamien par « khổ » ou « đau ». En fait, son sens est beaucoup plus large, il signifie aussi « malheur, misère, peine, mal-être, insatisfaction, imperfection, manque… ». Il s’oppose à sukha (viêt: lạc), qui signifie « bonheur, bien-être », et comme sukha, dukkha fait partie des sensations (vedana; viêt: thọ) ressenties, et donc forcément subjectives.

Cependant, ce qu’il faut bien comprendre, c’est que la présence de sukha ne signifie pas l’absence de dukkha. Dans l’Anguttara-nikaya (viêt: Tăng Chi Bộ Kinh), on trouve une énumération de différentes formes de bonheur (sukhani) physiques et morales, dans les plaisirs des sens, la vie de famille, dans l’attachement et le détachement, etc., mais tout cela est inclus dans dukkha, même les états spirituels élevés dans le dhyana (viêt: thiền), car ils demeurent dans l’imperfection et ne permettent pas encore la libération complète.

Dukkha selon le Bouddha existe sous 3 formes:

1) dukkha en tant que souffrance ordinaire (dukkha-dukkha; viêt: khổ-khổ) 

2) dukkha en tant que souffrance liée au changement (viparinama-dukkha; viêt: hoại-khổ) 

3) dukkha en tant qu’état conditionné (samkhara-dukkha; viêt: hành-khổ) 

Les 2 premières formes de souffrance sont faciles à comprendre: tout ce qu’on ressent dans la vie courante comme souffrance, et tout ce qui décline, qui se détériore avec le temps, comme la maladie, la vieillesse et la mort. Mais la souffrance en tant qu’état conditionné est plus difficile à comprendre, et pourtant c’est un point important de la philosophie bouddhique. Elle est directement liée à la notion des 5 agrégats  (pañca-kkhandha; viêt : ngũ uẩn), qu’on appelle encore agrégats  d’attachement (upadana-khandha; viêt : thủ uẩn).

Pour le Bouddha, l’être ou l’individu n’existe pas en tant que tel, mais est fait d’une combinaison d’éléments physiques et mentaux en perpétuel changement, que l’on peut diviser en 5 groupes ou agrégats :

1) L’agrégat de la corporéalité (ou matière): rupa  (viêt: sắc)

2) L’agrégat des sensations: vedana (viêt: thọ)

3) L’agrégat des perceptions: sañña (viêt: tưởng)

4) L’agrégat des formations mentales: samkhara (viêt: hành)

5) L’agrégat de la conscience: viññana (viêt: thức)

Chacun de ces agrégats concerne les 6 organes des sens (viêt: 6 căn), car dans le bouddhisme, en dehors des 5 organes des sens habituels, il existe encore l’organe mental (mano; viêt: tâm ou ý) qui en constitue le 6è, et les objets correspondants à chacun de ces sens (viêt: 6 trần).

On pourrait dire que du contact entre les organes des sens et leurs objets respectifs naissent les sensations (agréables, désagréables ou indifférentes), qui sont ensuite reconnues sous la forme de perceptions, mais que ce sont les formations mentales, groupe complexe fait de 50 éléments tels: l’attention, la volonté, la confiance, la concentration, le désir, la haine, l’ignorance, la vanité, l’énergie, la volition, etc., qui auront des effets karmiques.

L’agrégat de la conscience n’est pas à l’écart de ce processus, ce n’est pas la prise de conscience, mais un acte d’attention à la présence d’un objet. Les 5 agrégats ne sont pas un processus qui se fait dans un ordre donné, mais un ensemble de fonctions physiques et mentales qui interagissent et, il faut le répéter encore, en perpétuel changement, sans qu’il y ait opposition entre l’esprit et la matière, sans dualisme, comme dans toute la philosophie bouddhiste.

Même si à l’heure actuelle, les progrès de la biologie ont révélé une bien plus grande complexité des fonctions neuropsychiques humaines, on ne peut s’empêcher d’être admiratif devant la perspicacité et la subtilité de cette analyse et de cette intuition, datant de plus de 2500 ans.

Ainsi, comme disait le Bouddha dans le Samyutta-nikaya (viêt: Tương Ưng Bộ Kinh): « En résumé, ces 5 agrégats d’attachement sont dukkha » ou encore: « O bhikkhus, qu’est-ce que dukkha? Ce sont les 5 agrégats d’attachement ». Ils sont dukkha parce qu’ils sont conditionnés, liés les uns aux autres, dépendants les uns des autres, donc sans liberté.

2) Samudaya

La seconde Noble Vérité est celle de l’apparition, ou de l’origine de dukkha.

Nous l’avons vu, « C’est la soif, le désir ardent (tanha;viêt: ái dục) qui produit la ré-existence et le re-devenir, qui est liée à une avidité passionnée, etc. ». La soif comprend non seulement la soif du plaisir des sens, de la richesse, de la puissance, de l’amour, mais aussi l’attachement aux idées, aux croyances, et tout cela dans le but de satisfaire son « ego ».

Mais ce n’est pas la cause première, ni la seule de l’apparition de dukkha. Sont aussi à l’origine de dukkha les 3 racines du mal (mula ou hetu; viêt: tam độc), qui sont l’avidité, l’attachement (lobha, viêt: tham ái), la colère, la haine (dosa, viêt: sân hận), l’ignorance, l’illusion (moha, viêt: si mê).

Et comment ces causes, ces racines entraînent-elles dukkha?Par  des actes volitionnels (kamma; viêt: nghiệp) mauvais, défavorables (akusala; viêt: ác, xấu), qui obéissant à la loi de cause à effet, sont suivis de résultats défavorables, causant la souffrance.

3) Nirodha

La troisième Noble Vérité découle aussi naturellement des 2 premières. « Tout ce qui a la nature de l’apparition, a la nature de la cessation », répétaient ainsi les textes du Canon pali. Dukkha qui porte en lui la nature de son apparition (samudaya; viêt: Tập), a aussi nature de la cessation, nirodha (viêt: Diệt). Le résultat de la cessation de dukkha est appelé Nibbana (sanskr. Nirvana; viêt: Niết Bàn).

On s’est posé beaucoup de question au sujet du Nibbana. Ce n’est pas un état de bonheur (sukha; viêt: lạc) même durable, puisque, nous l’avons vu, celui-ci fait toujours partie de dukkha. Ce n’est pas le paradis, où qu’il se trouve (Sukhavati, le Paradis de l’Ouest; viêt: Tây phương Cực Lạc, n’existe pas dans le bouddhisme originel). On ne peut le décrire, l’exprimer en paroles, notamment en termes positifs, mais seulement l’approcher en termes négatifs.

Ainsi, les expressions les plus souvent rencontrées dans les anciens textes pali sont : « La cessation complète de la soif (tanha;viêt: ái dục) », « L’extinction du désir (raga, viêt: tham dục), de la haine (dosa, viêt: sân hận), de l’illusion (moha,viêt: sân hận) », « L’abandon de toutes les souillures (kilesa; viêt: phiền não» ou bien « L’inconditionné (asamkhata; viêt: vô vi), le détachement de tout ce qui est conditionné ».

Certains commentateurs interprètent même le Nibbana comme l’Absolu, la Vérité Ultime. Mais que peut-on dire, que peut-on concevoir de la Vérité Ultime? Sinon garder le silence, et en attendant, essayer de réduire en soi le désir, la haine, l’illusion, ce qui en pratique, n’est déjà pas une mince affaire…

Quelle que soit la conception que l’on peut avoir du Nibbana, une chose est sûre: il n’est pas nécessaire d’attendre la fin de la vie pour y parvenir. On peut accéder au Nibbana en cette vie-même, c’est que l’on appelle le Nibbana « avec résidus » (sopadisesa pari-nibbana; viêt: hữu dư y Niết Bàn), par opposition au Nibbana « sans résidus » (anupadisesa pari-nibbana; viêt: vô dư y Niết Bàn), comme quand le Bouddha Gautama s’est éteint à la fin de sa vie, à l’âge de 80 ans, à Kusinara.

4) Magga

La quatrième Noble Vérité s’intègre elle aussi dans une vision d’ensemble, comme disait le Bouddha: « Celui qui voit dukkha, voit aussi la naissance de dukkha; il voit la cessation de dukkha et voitaussile chemin qui conduit à la cessation de dukkha » (Samyutta-nikaya; viêt: Tương Ưng Bộ Kinh).

C’est donc le chemin (magga; viêt: Đạo) qui conduit à la cessation de dukkha.

Il est également appelé le Chemin du Milieu (Majjhima patipada), parce que, comme l’a exposé le Bouddha au tout début de son premier discours, il évite deux extrêmes: celui de l’attachement aux plaisirs des sens, « ce qui est indigne, vulgaire, et engendre de mauvaises conséquences », et celui de la mortification du corps, « ce qui est pénible,  ignoble et engendre aussi de mauvaises conséquences ». En refusant ces deux extrêmes, qu’il a lui-même expérimentés dans le passé, en tant que jeune prince dans son opulent palais, puis en tant qu’ascète décharné et complètement épuisé, le Bouddha a découvert le Chemin du Milieu qui apporte la paix, la vision profonde, l’éveil, le Nibbana.

On l’appelle l’Octuple Noble Chemin (Ariya-atthangika-magga; viêt: Bát Chánh Đạo), car il est formé de 8 facteurs :

1) La compréhension juste (samma ditthi; viêt: chánh kiến)

2) La pensée juste (samma sankappa; viêt: chánh tư duy)

3) L’action juste (samma kammanta; viêt: chánh nghiệp)

4) La parole juste (samma vacca; viêt: chánh ngữ)

5) Les moyens d’existence justes (samma ajiva; viêt: chánh mạng)

6) L’attention juste (samma sati; viêt: chánh niệm)

7) L’effort juste (samma vayama; viêt: chánh tinh tấn)

8) La concentration juste (samma samadhi; viêt: chánh định)

Il ne faut pas voir ces 8 facteurs comme des étapes qui se suivent dans l’ordre, mais comme un ensemble de facteurs qu’il faut développer simultanément.

On peut les retrouver dans les 3 rubriques de l’entraînement mental bouddhique, à savoir: la conduite éthique (sila; viêt: giới), la discipline mentale (samadhi; viêt: định) et la sagesse (pañña; viêt: huệ). En effet, l’action, la parole et les moyens d’existence font partie de la conduite éthique, alors que l’attention, l’effort, la concentration font partie de la discipline mentale, et que la compréhension, la pensée font partie de la sagesse.

L’action juste (viêt: chánh nghiệp), nous l’avons vu à propos du karma, n’est autre que le bon karma lui-même (kusala-kamma), entraînant un résultat favorable sur la cessation de dukkha.

La parole juste (viêt: chánh ngữ) signifie à la fois l’abstention de paroles fausses, blessantes, injurieuses, méchantes, de bavardages futiles, et l’usage au contraire de paroles de vérité, douces, apaisantes, bienveillantes et utiles.

Les moyens d’existence justes (viêt: chánh mạng) sont ceux qui permettent de vivre honnêtement, sans nuire à autrui, sans causer de souffrance aux autres êtres vivants.

L’attention juste (viêt: chánh niệm) consiste à garder une attention vigilante, comme l’a enseigné le Bouddha dans le Satipatthana-sutta (Sutra de l’Etablissement de l’attention), au corps (kaya; viêt: thân), aux sensations (vedana; viêt: thọ), au mental (citta; viêt: tâm) et aux choses (dhamma; viêt: pháp).

L’effort juste (viêt: chánh tinh tấn) consiste à s’efforcer de façon soutenue à réduire et à supprimer les états mentaux mauvais et malsains, et à faire apparaître et à développer les états mentaux bons et sains.

La concentration juste (viêt: chánh định) est celle qui conduit aux 4 étapes de la méditation concentrative ou absorption (jhana; sanskr dhyana; viêt: thiền), la dernière étant caractérisée par la disparition de toute sensation, même de bonheur, avec persistance seulement de l’équanimité et de la pure attention.

La compréhension juste (viêt: chánh kiến) consiste à voir les choses non pas telles qu’elles paraissent, mais dans leur véritable nature, comme il est expliqué dans les 4 Nobles Vérités. Elle est obtenue non pas par le raisonnement, par les concepts, mais par la vision directe, pénétrante, quand l’esprit est débarrassé des impuretés et développé par la pratique de la méditation.

Enfin, la pensée juste (viêt: chánh tư duy) est celle qui n’est pas envahie par l’égoïsme, la malveillance, la haine, mais au contraire celle remplie d’altruisme, de bienveillance, de détachement, c-à-d qui constitue la véritable sagesse.

On peut dire que l’Octuple Chemin couvre pratiquement tous les aspects de la vie, et que le Bouddha n’a cessé de le l’enseigner sous une forme ou une autre, à travers ses nombreux discours prononcés pendant 45 ans.

Les 3 marques de l’existence

La vision bouddhique du monde est résumée dans « Les 3 marques de l’existence » (tilakkhana; viêt: Tam Pháp Ấn). Ti veut dire 3, lakkhana signifie marque, aspect, caractéristique. Pour le bouddhisme, tout ce qui existe, c-à-d tous les phénomènes conditionnés, portent immanquablement la marque de ces 3 caractéristiques, lesquelles sont étroitement liées les unes aux autres:

1) L’impermanence (anicca; viêt: vô thường)

2) La souffrance (dukkha; viêt: khổ)

3) La non-substantialité du moi (anatta; viêt: vô ngã)

L’impermanence signifie que tout évolue, tout change à chaque instant, même s’il ne le paraît pas. Comme le philosophe Héraclite d’Ephèse, son contemporain, pour qui « on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve », car « tout s’écoule » (panta rhei), le Bouddha considère que le monde est un flux continu et changeant, et que la vie humaine est « semblable à une rivière de montagne, qui continue sans cesse sa course en s’écoulant ».

La souffrance, nous l’avons vu, découle aussi de cette impermanence, mais est aussi inhérente à son existence-même en tant que phénomène conditionné. 

Quant à la non-substantialité du moi, que nous détaillerons dans le prochain exposé, elle est à la fois liée aux précédentes et inhérente aux choses-mêmes, comme il est dit dans ce passage du Samyutta-nikaya (viêt: Tương Ưng Bộ Kinh):

« Qu’en pensez-vous, ô bhikkhus? La corporéalité (rupa; viêt: sắc), les sensations (vedana; viêt: thọ), les perceptions (sañña; viêt: tưởng), les formations mentales (samkhara; viêt: hành), la conscience (viññana; viêt: thức), sont-elles permanentes ou impermanentes? - Impermanentes, ô Vénéré du monde.

- Mais ce qui est impermanent, est-ce quelque chose de plaisant ou de misérable ? - Misérable, ô Vénéré du monde.

- Mais, de ce qui est impermanent et misérable, pourrait-on dire convenablement : « Ceci m’appartient, ceci est moi, ceci est mon ego ? ». - Non, Vénéré du monde.

- Ainsi, quelque puissent être la corporéalité, les sensations, les perceptions, les formations mentales, la conscience, le passé, le présent ou le futur,  l’intérieur ou l’extérieur, le grossier ou le subtil, le haut ou le bas, l’éloigné ou le proche, de toutes ces choses, on doit comprendre, selon la réalité et la vraie sagesse : « Ceci ne m’appartient pas, ceci n’est pas moi, ceci n’est pas mon ego ».

 

Après cet exposé analytique, sans doute un peu sec et ardu, sur l’enseignement de base du bouddhisme originel, nous allons essayer d’en avoir une vue plus synthétique, en insistant sur quelques points particuliers.

Tout d’abord, il faut remarquer que, contrairement à la plupart des philosophies et des religions de l’époque, qui étaient préoccupés par la délivrance du samsara (réincarnation, renaissance), le Bouddha a centré le problème existentiel sur dukkha, la souffrance. Le but essentiel de l’homme, qui souffre de tous les petits et grands malheurs de la vie, c’est de ne plus souffrir, ici et maintenant. En mettant en lumière les 4 Nobles Vérités, le Bouddha a fait preuve d’un grand pragmatisme.

On a souvent qualifié le bouddhisme de pessimiste, de négatif, parce qu’il a pris comme point de départ la souffrance, l’insatisfaction humaine. En fait, il s’agit d’un constat de souffrance universelle, et ce constat ne témoigne point de pessimisme mais de réalisme. Au contraire, en affirmant la possibilité de faire cesser la souffrance, le bouddhisme se révèle plutôt optimiste et positif.

Dans les 4 Nobles Vérités, on trouve une similitude flagrante avec une démarche médicale, qui va du diagnostic au traitement de la maladie. D’ailleurs, le Bouddha est souvent vénéré comme un bhaisajya-guru (c-à-d maître ou docteur en médecine; viêt: y sư). La première vérité, dukkha, correspond au diagnostic de la maladie, ou diagnostic nosologique; la deuxième, samudaya, au diagnostic de la cause de la maladie, ou diagnostic étiologique; la troisième vérité, nirodha, au pronostic de la guérison de la maladie; et enfin la quatrième, magga, au traitement ou thérapeutique.

En conséquence, tel un médicament qui doit être pris par le malade lui-même, la Voie montrée par le Bouddha doit être suivie par le disciple lui-même. C’est par ses propres efforts qu’il parviendra à se libérer. Ainsi il est dit dans le Dhammapada (Stances du Bouddha; viêt: Kinh  Pháp Cú): « L’homme se souille par le mal qu’il a fait, et se purifie en l’éliminant. La souillure et la pureté sont en soi-même. Personne ne peut purifier quelqu’un d’autre ». « Vous devez faire l’effort vous-même; les Bouddhas ne font que montrer le chemin ». Le Maha-paranibbana-sutta pali (Sutta du Grand Parinibbana; viêt: Kinh Đại Bát Niết Bàn pali) relatait ainsi dernières paroles du Bouddha avant son extinction finale: « Tous les phénomènes conditionnés sont impermanents. Efforcez-vous sans relâche! ».

On remarquera également dans cet enseignement primordial du bouddhisme, l’absence de tout ce qui est métaphysique, mystique, religieux ou surnaturel. Il n’est nullement mentionné dans l’Octuple Chemin de « foi » ou de « dévotion juste ».  Le Bouddha n’a jamais demandé à ses disciples d’avoir la foi ou de croire en lui. Par la simple formule: « Ehi passika! »(Venez, voyez!; viêt: Lại đây, xem!), il invitait les gens à venir voir et non pas à venir croire.

Le bouddhisme originel est fondé sur la connaissance et l’expérience, et non pas sur la foi et la dévotion. C’est une véritable science appliquée de l’esprit, une méthode d’entraînement mental, nettement en avance sur son temps, et qui aujourd’hui est plus que jamais d’actualité.

Citons pour terminer Stephen Batchelor, dans les « Confessions d'un bouddhiste athée »:

«Ce qui m'attire dans le bouddhisme, ce n'est pas qu'il a une explication plus convaincante de la nature de la réalité que les autres religions, mais qu’il offre une méthodologie qui pourrait effectivement marcher en abordant la question de la souffrance."

 

Villebon s/Yvette, le 9 Mars 2014

Trinh Dinh Hy (Nguyên Phuoc)